La pluie n’était pas tombée depuis des semaines, mais le champ noyé brillait d’une lumière spectrale. Des brins d’herbe, transpercant la surface miroitante, pulsaient lentement, diffusant des vagues holographiques dans l’eau noire.

Irvin, capuchonné et le poignet cerclé d’un appareil de contrôle, avançait prudemment. Chaque pas soulevait des cercles phosphorescents, comme si l’eau réagissait à sa simple présence. Il savait que ce n’était pas une réaction physique. C’était du code.

Autrefois, ces plaines n’étaient qu’un marécage ordinaire, jusqu’à ce qu’un programme expérimental — le Projet Arkéa — tente d’utiliser la biologie pour stocker des données. L’eau, saturée de nanites, était devenue une mémoire liquide. L’herbe, quant à elle, servait d’antenne, capturant et transmettant des fragments de l’histoire humaine.

Mais le projet avait été abandonné. Officiellement pour des raisons éthiques. Officieusement, car les données s’étaient mises à muter.

Irvin activa son poignet. Une interface translucide s’afficha dans les airs, connectée au flux aquatique. Les ondes autour de lui s’intensifièrent et, soudain, une image apparut dans les remous : une scène figée d’un enfant jouant avec un chien, sur une colline qui n’existait plus.

Il frissonna.

Ces souvenirs ne venaient pas d’une base de données classique. Ils semblaient… organiques, comme si l’eau et l’herbe avaient commencé à rêver par elles-mêmes.

La nuit s’épaississait, et Irvin savait qu’il n’était pas seul. Dans ce champ vivant, chaque pas, chaque respiration était écouté, enregistré, et peut-être… interprété.

Il éteignit son appareil et recula lentement. Une brise souleva les brins de lumière, et dans le silence, il lui sembla entendre un murmure, à peine perceptible.

L’herbe chantait.