Dans une vallée reculée, loin des routes tracées par les hommes, coulait une rivière aux eaux limpides. Ses flots caressaient les pierres anciennes, murmurant des histoires que nul ne prenait le temps d’écouter. Nul, sauf Élio.

Élio était un enfant rêveur, plus curieux que les autres. Tandis que ses camarades couraient dans les champs, lui passait des heures assis sur un rocher, les pieds trempant dans l’eau froide, à écouter la rivière chanter. Il était persuadé qu’elle lui parlait, qu’entre les clapotis et les remous, elle lui soufflait des secrets.

Un soir, alors que le soleil déclinait derrière les collines, la rivière lui confia un mot qu’il n’avait jamais entendu. Un mot si ancien qu’il vibra dans son cœur comme une note de musique oubliée. Il le répéta à voix basse. Aussitôt, l’eau s’illumina d’un éclat argenté, et les pierres sous la surface révélèrent un chemin.

Sans hésiter, Élio posa le pied sur la première pierre. Le courant, au lieu de l’emporter, sembla le guider. Il avança, pas après pas, jusqu’à ce que la rivière l’enveloppe entièrement. Mais au lieu d’être submergé, il se retrouva dans un monde d’ombres et de lumières, un royaume caché sous la surface de l’eau.

Des silhouettes translucides flottaient autour de lui. C’étaient les esprits de la rivière, les gardiens des souvenirs du monde. L’un d’eux s’approcha et murmura :
— Tu as entendu notre appel, Élio. Désormais, tu es le gardien du passage entre les mondes.

Depuis ce jour, Élio ne cessa jamais d’écouter la rivière. Il comprit que chaque pierre portait une histoire, chaque vague un souvenir. Et parfois, quand la nuit était claire et que le vent se taisait, il murmurait à son tour les secrets de l’eau, pour ceux qui avaient l’oreille assez fine pour les entendre.